Dette de la sécu : à qui la faute ?
Bulletin : Alternatives économiques juillet 2025
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En 2024, le déficit de la Sécurité sociale atteint 15,3 milliards d’euros, soit 4,8 milliards de plus que la prévision initiale de 10,5 milliards. La branche maladie représente à elle seule 90 % de ce déficit, soit 13,8 milliards d’euros. Depuis 2020, les recettes de la Sécurité sociale (628 milliards d’euros en 2024) sont inférieures à ses dépenses (643 milliards d’euros), générant un déficit structurel. Sur les 4,8 milliards d’euros de déficit supplémentaire en 2024, 4,2 milliards (88 %) proviennent de recettes moindres que prévu, principalement à cause d’une baisse de 2,4 milliards d’euros des recettes de TVA, et 0,6 milliard (12 %) de dépenses plus élevées.
La TVA, qui représentait moins de 1 % des recettes de la Sécurité sociale en 2018, en constitue 8 % en 2023. Depuis 2019, une part de la TVA compense les exonérations de cotisations sociales, mais cette recette est volatile car dépendante de la consommation. En 2024, la politique d’allègement des cotisations sociales n’a pas été totalement compensée par l’État : 5,5 milliards d’euros d’allègements n’ont pas été compensés, soit un tiers du déficit de 2024. Entre 2014 et 2024, les allègements généraux de cotisations patronales du secteur privé ont presque quadruplé, passant de 20,9 à 77 milliards d’euros, dont 64 milliards au titre des cotisations de Sécurité sociale. Selon le Conseil d’analyse économique, au-delà de 1,6 Smic, ces allègements n’ont pas généré de gains de compétitivité ni de créations d’emplois, mais ont surtout entraîné des hausses de salaires.
Le déficit prévu pour 2025 est de 22 milliards d’euros, et pourrait atteindre 24 milliards en 2028. La Cour des comptes alerte sur une possible « crise de liquidités » : la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui peut emprunter jusqu’à 16 milliards d’euros en 2025, atteindra sa limite dès 2025. La Cades, créée en 1996 pour cantonner la dette sociale, rembourse ses emprunts grâce à la CRDS (0,5 % sur salaires, retraites, patrimoine, placements), une fraction de la CSG (0,45 point), et une part du fonds de réserve des retraites (1,45 milliard d’euros en 2025). En 2023, la Cades a perçu 21 milliards d’euros de recettes. Depuis 1996, 388 milliards d’euros de dette ont été repris par la Cades, dont 243 milliards amortis. En 2020, 136 milliards d’euros ont été transférés à la Cades, dont au moins 50 milliards liés à des reports de cotisations et à la reprise de dette des hôpitaux.
Depuis 2024, l’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) ne peut plus transférer de dette à la Cades. L’Acoss, déjà le plus gros emprunteur de sa catégorie sur les marchés de court terme, est exposée à des taux d’intérêt plus volatils et à un risque de ne plus trouver d’investisseurs. Depuis 1996, 79 milliards d’euros ont été transférés au secteur financier en paiements nets d’intérêts et de commissions.
La prolongation de la Cades au-delà de 2033 et l’augmentation de son plafond de dette nécessiteraient une loi organique. Une autre solution serait de transférer à l’État une partie de la dette, notamment celle liée au Covid, car l’État emprunte à des taux plus faibles et ne rembourse que les intérêts. En 2025, les mesures d’économies non documentées s’élèvent à 4,3 milliards d’euros, qualifiées de « gains d’efficience », mais souvent considérées comme du déficit délibéré.
Le financement de la Sécurité sociale reste déséquilibré, le capital contribuant moins que le travail. Les choix politiques récents ont privilégié la dette plutôt que l’augmentation des prélèvements obligatoires, ce qui reporte le coût des soins sur les générations futures et augmente le coût total à cause des intérêts. Les solutions envisagées sont soit de réduire la couverture solidaire, soit de priver les patients d’innovations médicales, soit d’augmenter les prélèvements obligatoires.
Date de publication
11/07/0001
Importance matérielle
pp.10-13