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Atlas du nouveau désordre mondial. 25 cartes pour comprendre

Multiplication des tensions économiques, géopolitiques et écologiques, avec peu de gagnants et de nombreuses victimes, surtout parmi les plus pauvres. Dans des sociétés inégalitaires et souvent sans protection sociale, le conflit douanier initié par Donald Trump et l’instabilité qui en découle promettent des ravages. La mondialisation n’est pas terminée, mais le multilatéralisme est en crise, laissant place à des logiques impérialistes. La transition énergétique crée de nouveaux empires industriels sans effacer les anciens du secteur fossile. L’hypermondialisation des années 1990-2010, marquée par la croissance des flux d’investissements, de commerce et de finance, est terminée. La crise financière de 2007-2008 a freiné les multinationales, et le retour de Trump a accentué ce mouvement. Les droits de douane américains sont là pour rester, et la bataille pour l’indépendance économique s’intensifie, tout comme la compétition pour attirer l’épargne mondiale. Le cap est désormais mis sur la demande intérieure, mais la division internationale du travail et la circulation des capitaux persistent. Les affrontements économiques et financiers risquent d’introduire plus d’instabilité et de réduire la coopération internationale. La Chine est devenue le leader du commerce mondial, représentant 12,3 % des échanges mondiaux en 2023 contre 10,8 % pour les États-Unis. Environ 70 % des pays commercent plus avec la Chine qu’avec les États-Unis. Depuis son entrée à l’OMC en 2001, la Chine est devenue la première puissance exportatrice, grâce à une politique d’aides, de subventions et d’obligation de transfert de technologies. En 2023, la Chine détenait une position dominante sur 730 produits (part des exportations mondiales supérieure à 50 %), contre 238 pour l’Union européenne et 94 pour les États-Unis. La guerre commerciale de Trump n’a pas freiné cette dynamique, mais le modèle exportateur chinois montre ses limites, la consommation intérieure peinant à prendre le relais. Les pays qui exportent une part importante de leur production vers les États-Unis, comme le Mexique et le Canada (plus d’un cinquième de leur PIB), sont les plus exposés à la guerre commerciale. Les droits de douane américains incluent 25 % sur les véhicules et pièces détachées, 50 % sur l’acier et l’aluminium, et une hausse massive des tarifs douaniers suspendue jusqu’au 9 juillet. Une taxe de 5 % (pouvant grimper à 20 % en quatre ans) sur les revenus générés aux États-Unis par des entités de pays taxant les services numériques ou imposant un taux minimum aux multinationales est prévue. Les droits de douane du premier mandat de Trump avaient diminué l’emploi de 142 000 équivalents temps plein aux États-Unis. Les Américains les plus modestes sont les plus touchés par la hausse des prix. Les États-Unis accueillent un quart du stock mondial des investissements entrants, part qui a pu monter à 40 % à la fin des années 1990, avant de chuter à un peu plus de 15 % après la crise de 2007-2008, puis de remonter. La Chine est en deuxième position avec un peu plus de 7 % du stock mondial, contre 1 % en 1990. Les projets d’investissements annoncés aux États-Unis au premier trimestre du second mandat de Trump atteignent près de 600 milliards de dollars, contre 12 milliards pour George W. Bush, 24 milliards pour Obama, et une quarantaine de milliards pour Biden. Le transport maritime est bouleversé par les droits de douane américains. 39 % des porte-conteneurs en service ont été fabriqués en Chine. Les flux commerciaux vers les États-Unis devraient ralentir, et les armateurs pourraient débarquer leurs marchandises dans des ports canadiens ou mexicains. Depuis novembre 2023, les armateurs évitent la mer Rouge à cause des attaques de rebelles houthis, et le canal de Panama est affecté par la sécheresse. Le commerce entre économies émergentes, représentant déjà un tiers du commerce mondial, se développe plus vite que les autres flux. Apple, dont l’iPhone représente 50 % des revenus et est assemblé à 85 % en Chine, a diversifié sa chaîne d’approvisionnement vers l’Inde et le Vietnam, mais reste dépendante de la Chine. Les taxes douanières américaines sur les produits électroniques chinois ont été portées à 145 %, puis ramenées à 20 % pour ces produits. L’intelligence artificielle (IA) est un nouveau terrain d’affrontement entre la Chine et les États-Unis. En 2023, plus de 25 % des brevets et plus de 45 % des articles scientifiques en IA générative ont été publiés. La Chine et les États-Unis dominent en volume, mais les publications américaines sont plus citées. Les États-Unis limitent depuis 2018 les exportations de puces de moins de 7 nanomètres vers la Chine. Les principales fonderies de puces sont taïwanaises et sud-coréennes. L’impact des droits de douane américains sur l’emploi européen serait localisé, touchant surtout l’Irlande (industries chimique, agroalimentaire, transport) et l’Italie (mode, automobile). Les importations européennes vers les États-Unis pourraient baisser de 0,6 à 1,1 %, tandis que les exportations américaines vers l’UE pourraient chuter de 8 à 66 % si tous les partenaires ripostent. Environ un tiers des profits réalisés à l’étranger par les multinationales sont logés dans les paradis fiscaux, faisant perdre 10 % des recettes d’impôt sur les sociétés. L’impôt minimum mondial de 15 % sur les profits, en cours de mise en œuvre dans une quarantaine de pays, est menacé par Trump, qui a poussé l’UE à reculer sur son application. Les Pays-Bas et l’Irlande restent des places fortes de l’évasion fiscale. L’extrême pauvreté a reculé ces trente dernières années, les 50 % les plus pauvres passant de 6,49 % du revenu mondial en 1980 à 9,72 % en 2023. Mais les pays riches ont gardé leur avance, voire creusé l’écart, et les inégalités internes se sont aggravées dans de nombreux pays (Chine, États-Unis, Inde, Brésil). La réduction des inégalités nécessite des politiques redistributives et des investissements collectifs. Le retour de Trump amplifie les dérèglements mondiaux, affaiblit le multilatéralisme et favorise une logique de puissance et de vassalisation. À Gaza, plus de 55 000 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023. Trump a supprimé l’essentiel de l’aide au développement américaine. Les dépenses militaires mondiales ont augmenté pour la dixième année consécutive en 2024. En Europe, elles ont bondi de 17 % pour atteindre 693 milliards de dollars. L’Allemagne a augmenté ses dépenses militaires de 58,5 à 86,3 milliards de dollars entre 2021 et 2024 (+50 %). Israël a vu ses dépenses militaires augmenter de 65 % après le 7 octobre 2023, atteignant 8,8 % de son PIB (plus de 45 milliards de dollars). L’aide militaire américaine à l’Ukraine est désormais conditionnée à l’accès à certaines ressources. La Russie a maintenu ses revenus d’exportation de combustibles fossiles à 242 milliards d’euros sur la troisième année de l’invasion, en recul de seulement 8 % par rapport à 2021, grâce à l’augmentation des importations par la Chine, l’Inde et la Turquie. La Russie utilise la désinformation comme arme de déstabilisation, avec 194 incidents attribués en 2024, visant principalement l’Ukraine, la France et l’Allemagne. Trump affiche des ambitions expansionnistes : faire du Canada le 51e État, acquérir le Groenland, reprendre le contrôle du canal de Panama. Le canal de Panama a généré 5 milliards de dollars en 2024. Le Groenland recèle 43 des 50 minéraux critiques listés par Washington. Au Moyen-Orient, Trump a frappé trois sites d’enrichissement d’uranium en Iran le 21 juin, puis décrété un cessez-le-feu trois jours plus tard. À Gaza, environ 70 % des bâtiments ont été détruits et plus de 55 000 morts sont à déplorer. En Syrie, le nouveau chef d’État Ahmed al-Charaa s’est rapproché des États-Unis et des Européens. En 2024, les autocraties (91) dépassent en nombre les démocraties (88) pour la première fois depuis vingt ans, gouvernant 72 % de la population mondiale. Le Democracy Index recense 71 démocraties (25 entières, 46 défaillantes), 36 régimes hybrides et 60 régimes autoritaires. La France est classée démocratie défaillante. L’aide publique au développement (APD) mondiale a reculé de 7 % en 2024, à 212 milliards de dollars (0,33 % du revenu national brut des pays donateurs). Les États-Unis étaient le premier pourvoyeur d’APD (42 milliards de dollars en 2023 sur 59 milliards d’APD), mais Trump a supprimé 83 % des programmes. La Chine multiplie les démonstrations de force autour de Taïwan, avec 27 avions, 21 navires de guerre et 10 bateaux des garde-côtes massés autour de l’île en avril. Xi Jinping vise la réunification avant 2049. Les forces navales chinoises disposent de 39 navires de guerre de plus que les États-Unis. Une invasion de Taïwan serait coûteuse pour la Chine, qui dépend des semi-conducteurs de l’île. La Chine est devenue le premier partenaire commercial de la plupart des pays africains, représentant 16 % des importations et 12 % de la dette extérieure du continent. La Russie est le principal fournisseur d’armes (21 %) et de céréales (7 milliards de dollars en 2024) en Afrique. L’Union européenne renforce ses frontières : la longueur des murs construits aux frontières extérieures ou dans l’espace Schengen est passée de 315 km en 2014 à 2 042 km en 2022. Plus de 120 000 opérations de refoulement ont été recensées en 2024. L’écologie régresse dans l’ordre des priorités en Occident. Les États-Unis sont redevenus les premiers producteurs de pétrole. La Chine est leader des renouvelables, produisant en 2024 une électricité renouvelable équivalente à celle de l’UE. Entre 2019 et 2024, la Chine a installé 40 % des nouvelles capacités renouvelables mondiales, et atteindrait 50 % d’ici 2030. L’électricité représente près de 30 % de l’énergie consommée en Chine, contre 20 % dans l’UE et aux États-Unis. La Chine a investi près de 1 000 milliards de dollars dans l’énergie décarbonée en 2023 et commence à réduire ses émissions de CO2. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont battu un record en 2024. Les politiques actuelles mènent à un réchauffement de +3 °C à la fin du siècle. Les engagements de neutralité carbone suffisamment robustes ne couvrent que 7 % des émissions mondiales. Le Brésil vise zéro déforestation en Amazonie d’ici 2030, mais soutient l’exploitation pétrolière. Le pays prévoit de devenir le cinquième producteur mondial de pétrole d’ici 2030. La demande mondiale de pétrole stagne et devrait plafonner en 2030. L’Opep+ a augmenté sa production en juin 2025. Le ratio réserves/production est de 43 ans pour le cuivre, 125 ans pour le lithium, 231 ans pour les terres rares. La demande de cuivre pour les usages bas carbone sera multipliée par trois d’ici 2050, celle de terres rares par cinq, celle de lithium par dix-sept. L’Union européenne progresse sur les renouvelables, mais reste très dépendante de l’étranger pour l’énergie. La part des renouvelables dans la consommation finale varie de 22 % en France ou Allemagne à plus de 50 % dans certains pays nordiques. La dépendance énergétique reste élevée, et les efforts de sobriété sont inégaux selon les pays. En résumé, le monde est marqué par une montée des tensions économiques, géopolitiques et écologiques, une remise en cause du multilatéralisme, une montée des inégalités, un recul de la démocratie, une transition énergétique inégale et des risques accrus pour les plus vulnérables. Chiffres clés : 12,3 % des échanges mondiaux pour la Chine, 10,8 % pour les États-Unis ; 730 produits dominés par la Chine à l’export ; 693 milliards de dollars de dépenses militaires en Europe ; 55 000 morts à Gaza ; 242 milliards d’euros de revenus d’exportation d’hydrocarbures russes ; 212 milliards de dollars d’APD mondiale en 2024 ; 1 000 milliards de dollars investis par la Chine dans l’énergie décarbonée en 2023 ; 2 042 km de murs aux frontières de l’UE ; 7 % des émissions mondiales couvertes par des engagements robustes de neutralité carbone.
Date de publication
11/07/0001
Importance matérielle
pp.26-65