Voilà cent ans que Mrs Dalloway parcourt Londres en écoutant les « cercles de plomb » de Big Ben se dissoudre dans l’air, cent ans que son ex-soupirant Peter Walsh rumine sa déconvenue en jouant avec son couteau; cent ans que la pauvre Lucrezia désespère de son mari suicidaire... Et cent ans que la plume de Virginia Woolf glisse d'une conscience à l'autre en déployant sa profondeur, son humour et sa sidérante virtuosité pour recréer les flux de mots pas toujours ordonnés dont sont faites nos intériorités comme si elle les saisissait à la volée. Virginia Woolf a donné du pain à la littérature pour plus d'un siècle, comme nous le rappelle la toute récente réédition, en tirage spécial, du volume de la Pléiade Mrs Dalloway et autres écrits. Elle a aussi donné du pain au militantisme, au point de devenir l’un de ces visages qu'on imprime sur les tee-shirts pour figurer une vague idée – à Woolf l’affirmation de la puissance féminine comme à Che Guevara la contestation révolutionnaire ! Or, comme nous l’écrit la chercheuse Adèle Cassigneul dans un vigoureux essai en prose et vers libres, Virginia Woolf n'était pas « cohérente et non contradictoire/le petit doigt sur la couture de ses phrases » et dotée d’une « éthique/féministe/impeccable » : son féminisme, bien réel, est d’une autre époque. Mais son style, nous dit Cassigneul, refuse aussi « l’assignation réductrice que constitue l'écriture dite féminine », Ou, comme Woolf l’écrit dans « Une chambre à soi », « il est fatal pour quiconque désire écrire de penser à son identité sexuelle. Il est fatal d’être tout simplement homme ou femme », Bref, l'époque a tout à gagner à dialoguer avec la subtile pensée woolfienne. Pour cela, mieux vaut la lire que d'en faire une icône adorée ou rejetée sans nuance. Sommaire. Au-delà de l'icône. Le journal d'une vie. Visages de Virginia. "La Promenade au phare", faire la paix avec ses fantômes. Toutes les femmes de sa vie : entre admiration, désir et jalousie. Ma lecture de Virginia.