Les |Collectivités locales ont-elles plombé les comptes publics ?
Bulletin : Alternatives économiques juin 2025
En 2024, les dépenses des collectivités locales ont augmenté de 3,6 % en volume, atteignant 327 milliards d’euros, un chiffre bien supérieur à l’objectif de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023-2027, qui fixait une hausse maximale de 0,5 % par an. Déjà en 2023, cet objectif n’avait pas été respecté. Cette progression s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, l’inflation a fortement renchéri le coût des achats des collectivités, notamment en énergie, alimentation et services, avec une hausse de l’indice de prix des dépenses communales de 2,2 % par an entre 2015 et 2024, contre 1,8 % pour l’inflation hors tabac, selon la Banque postale. D’autre part, les collectivités ont dû appliquer des mesures sociales décidées par l’État, telles que la revalorisation des minima sociaux pour suivre l’inflation, ce qui concerne particulièrement les départements qui versent le RSA. Elles ont également dû revaloriser les salaires de leurs agents, notamment via le dégel du point d’indice et l’extension du Ségur de la santé à certaines professions sociales, des mesures sur lesquelles elles n’ont pas de marge de manœuvre.
Les dépenses d’investissement ont également été dynamiques, notamment dans le contexte de la relance post-Covid et de la transition écologique, avec une hausse de 44 % en euros courants entre 2017 et 2022 dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie, selon l’association 14CE. Les collectivités locales représentent désormais 58 % de l’investissement public total. Par ailleurs, le déficit budgétaire de 2023 et 2024 s’explique aussi par des recettes fiscales décevantes, en particulier à cause de la faiblesse du marché immobilier, qui a réduit les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), une source importante de revenus pour les départements.
Malgré ces dérapages récents, la Cour des comptes soulignait en 2023 la « situation financière saine » des collectivités locales et rappelait que l’État avait été, ces dernières décennies, le principal responsable du creusement de la dette publique. Les relations financières entre l’État et les collectivités sont complexes : l’État leur confie des missions de service public, leur permet de lever certains impôts locaux et complète par des dotations. Récemment, le gouvernement a supprimé plusieurs prélèvements territoriaux, comme la taxe d’habitation, et a compensé ce manque à gagner principalement en reversant une part croissante de la TVA nationale. Selon la Cour des comptes, ces compensations ont été favorables aux collectivités, mais les élus locaux estiment que l’État sous-finance les missions transférées. André Laignel, leur principal porte-parole, affirme que les collectivités sont ponctionnées à hauteur de 7,4 milliards d’euros en 2025, alors que la loi de finances n’annonce officiellement qu’un manque de 2,2 milliards.
La dette publique française est principalement tirée par l’État, comme le montrent les chiffres de l’Insee. Le débat sur la pertinence de la dépense publique locale reste ouvert, certains observateurs estimant que les collectivités prélèvent et dépensent trop, même si elles sont à l’équilibre ou proches de l’équilibre. La question de la répartition optimale des missions et des moyens entre l’État et les collectivités demeure difficile à trancher, d’autant plus dans un contexte de forte contrainte budgétaire.
Date de publication
06/06/0001
Importance matérielle
pp.20-21