Aller au contenu principal

A La Poste, il y a une vie après le courrier

Après douze ans à la tête de La Poste, Philippe Wahl quitte la direction le 25 juin, laissant une entreprise profondément transformée. Le courrier, qui représentait plus de 50 % des revenus en 2010, ne pèse plus que moins de 15 % aujourd’hui. Le chiffre d’affaires du groupe atteint désormais 34 milliards d’euros, dont plus de la moitié provient du transport et de l’acheminement de colis. La Poste emploie 226 000 salariés, est présente dans plus de 60 pays et réalise 45 % de son activité à l’international, tout en restant détenue à 100 % par des actionnaires publics (66 % Caisse des dépôts, 34 % État). La stratégie de la dernière décennie a consisté à compenser la chute du courrier par la croissance du secteur colis. Le volume de lettres envoyées en France est passé de 15,5 milliards en 2010 à 5,8 milliards en 2023, soit une division par trois, avec une baisse d’un tiers entre 2019 et 2023. Pour préserver l’emploi des dizaines de milliers de facteurs et maintenir le réseau physique, La Poste a développé des activités bancaires et diversifié ses services. Contrairement au courrier, où La Poste bénéficie d’un quasi-monopole, le marché du colis est très concurrentiel, avec des marges faibles. La Poste, via ses filiales Colissimo, Chronopost et DPD, est leader en France mais doit affronter des géants mondiaux comme UPS, Fedex, DHL et Amazon. Amazon, principal e-commerçant du pays, est à la fois concurrent et principal client de La Poste, représentant 21 % des colis acheminés par l’entreprise en Europe. En ajoutant les plateformes chinoises Shein et Temu, 43 % des colis gérés par La Poste proviennent de ces trois firmes du numérique. Le marché du colis est jugé faussé, car le consommateur ne choisit pas son opérateur de distribution et les tarifs sont tirés vers le bas par les plateformes chinoises. Certains acteurs syndicaux estiment qu’il faudrait permettre aux clients de payer plus pour choisir un distributeur socialement responsable. En plus de la concurrence, La Poste doit remplir quatre missions de service public : distribution du courrier six jours sur sept sur tout le territoire, transport et distribution de la presse à tarifs abordables, accessibilité bancaire (compte bancaire et Livret A pour tous), et aménagement du territoire avec plus de 17 000 points de contact. L’État verse une compensation financière pour ces missions, mais elle est inférieure à leur coût réel : en 2021, les compensations se sont élevées à 1,12 milliard d’euros, alors que le coût net était estimé entre 2,5 et 2,6 milliards d’euros. La distribution de la presse est la mission la moins financée, à moins d’un quart de son coût. Malgré ces charges, La Poste, devenue société anonyme de droit privé en 2010, reste bénéficiaire et verse des dividendes à ses actionnaires publics. L’entreprise doit cependant jongler entre la recherche de compétitivité sur de nouveaux marchés et la pression pour maintenir ses missions de service public, ce qui la place face à des injonctions contradictoires de l’État actionnaire.
Date de publication
06/06/0001
Importance matérielle
pp.58-59