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Cacao, café, soja... pas d'éthique dans l'assiette
Bulletin : Alternatives économiques juin 2025
Le travailleur malgache récoltant la vanille gagne seulement 40 % du revenu nécessaire pour couvrir les besoins essentiels de sa famille. Chaque tonne de vanille produite pollue un peu plus d’un million de litres d’eau à cause des produits chimiques utilisés. Pour le cacao, la pollution de l’eau est cinq fois moindre, et les revenus en Côte d’Ivoire et au Ghana atteignent 57 % du niveau de vie décent. Cependant, la déforestation liée au cacao est près de 800 fois supérieure à celle de la vanille, et les émissions de gaz à effet de serre par tonne produite passent de 1,2 à 19,3 tonnes d’équivalent CO₂.
Une étude du bureau d’études Basic, réalisée pour Greenpeace France, Max Havelaar France et l’Institut Veblen, a analysé les impacts sociaux et environnementaux des produits alimentaires importés par la France depuis les pays du Sud, en croisant les données scientifiques sur treize filières majeures. La France importe chaque année plus de 3 millions de tonnes de soja, contre quelques centaines de tonnes de vanille. Les émissions de gaz à effet de serre dues au transport représentent généralement 2 à 3 % du total pour le cacao et le café, mais peuvent atteindre 31 % pour le jus d’orange et 46 % pour les bananes.
L’étude a aussi évalué l’empreinte sur l’eau (volumes prélevés et pollués) et sur les forêts. Le soja et l’huile de palme sont les filières les plus problématiques pour la déforestation. Sur le plan social, les filières les plus exposées au travail forcé et au travail des enfants sont le sucre de canne, le cacao, le café, l’huile de palme, la vanille et le riz. Aucune filière n’offre des rémunérations permettant un niveau de vie décent. Le thé atteint 86 % de ce niveau, la noix de cajou, la banane, le soja, le café, la tomate et l’avocat se situent entre 75 % et 60 %, tandis que le cacao, le riz, le jus d’orange, le sucre de canne, l’huile de palme varient de 60 % à 50 %, la vanille étant la plus basse.
Un score d’impact total, combinant et pondérant tous les indicateurs, classe la banane, le thé et la noix de cajou comme les produits les moins dégradants pour la nature et l’homme, tandis que le cacao, le soja et l’huile de palme sont les pires.
Les consommateurs ont un pouvoir limité pour changer la situation par leurs choix alimentaires, rendant la régulation publique indispensable. Trois législations européennes adoptées en 2024 dans le cadre du Pacte vert – la directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CS3D), le règlement sur le travail forcé et le règlement sur la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) – couvrent la plupart des enjeux identifiés. Cependant, ces avancées législatives font l’objet de tentatives d’affaiblissement par certains milieux politiques et économiques, notamment la CS3D. De nombreux points restent non résolus, comme la question de savoir qui paiera la traçabilité exigée par le RDUE, ce qui pourrait pénaliser les petits producteurs.
La politique commerciale de l’Union européenne entre aussi en contradiction avec ces législations, comme le montre l’accord UE-Mercosur, qui permettrait à un pays du Mercosur de contester les réglementations européennes si elles nuisent à ses exportations. L’annexe sur le commerce et le développement durable de l’accord de libre-échange contient des dispositions susceptibles d’affaiblir la mise en œuvre du RDUE. De plus, l’accord autorisera l’exportation vers l’UE de produits cultivés avec des pesticides interdits en Europe mais toujours fabriqués pour l’exportation.
Date de publication
06/06/0001
Importance matérielle
pp.66-67