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Face à Airbnb, les municipalités contre-attaquent

À Marseille, près d’un logement sur dix autour du Vieux-Port est dédié au tourisme, soit 15 000 logements, dont 70 % n’appartiennent pas à des Marseillais. En 2022, la ville a perdu près de 1 200 logements familiaux, alors que seulement 183 changements d’usage ont été autorisés. Pour lutter contre l’expansion des meublés touristiques, la municipalité a mis en place une brigade spéciale pour contrôler les locations illégales et retirer les boîtes à clés interdites sur le mobilier urbain. Début octobre 2024, Marseille a annoncé l’interdiction de déclarer une nouvelle location courte durée sans compenser par la mise en location d’un autre logement équivalent en longue durée. L’irrégularité est passible d’une amende de 15 000 euros. La loi « anti-Airbnb », votée en novembre 2024, élargit la compétence des maires, leur permettant d’instaurer quotas, amendes, limitations de nuitées et obligations d’enregistrement. Elle impose aussi un diagnostic de performance énergétique (DPE) satisfaisant pour éviter les « passoires thermiques ». L’objectif est de rendre du logement disponible pour les étudiants, salariés et familles, alors que dans des villes comme Brest, les meublés touristiques sont accusés d’aggraver la tension locative. Depuis la crise du Covid, le nombre de meublés touristiques en France a augmenté de plus de 50 %, passant de 100 000 en 2019 à 160 000 en 2023 selon Eurostat. La part des résidences principales a légèrement diminué au profit des résidences secondaires et des logements vacants. Airbnb, créée en 2018 à San Francisco, a généré 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2023, avec 500 millions de nuitées par an. À Paris, la location moyenne sur Airbnb est de 167 euros la nuit pour 56 nuits annuelles, soit 8 400 euros hors taxes par an pour le propriétaire. Ce revenu est comparable à celui d’une location familiale classique, mais la fiscalité reste plus avantageuse pour la location de courte durée. Les propriétaires bénéficient aussi de la création de milliers d’emplois liés aux conciergeries et agences, et la taxe de séjour rapporte 35 millions d’euros annuels selon le Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM). À Paris, les trois plus gros hôtes (Blueground, Veeve et Sébastien) proposent respectivement 826, 498 et 344 logements à la location. Les réglementations municipales limitent désormais la location des résidences principales à 90 jours par an, contre 120 auparavant. À Marseille, la file d’attente pour un logement social est passée de 39 000 personnes en 2019 à 52 000 en 2025. Les résidences secondaires représentent 70 % de l’hébergement touristique. La majorité des propriétaires concernés sont des multi-propriétaires, et non des particuliers louant une chambre pour arrondir leurs fins de mois. Des habitants, comme Véronique Deschamps à Saint-Malo, ont mené des combats judiciaires pour faire cesser les locations Airbnb dans leur immeuble, aboutissant à la condamnation d’une propriétaire pour « trouble anormal de voisinage » et à la fermeture de la location. Elle a fondé l’association « Saint-Malo, j’y vis… », qui a rejoint en 2024 un réseau européen de villes luttant contre la prolifération des meublés touristiques. À l’international, Londres et Amsterdam limitent les locations de courte durée à respectivement 90 et 30 nuits par an. À Barcelone, où les loyers ont augmenté de 17 % dans les quartiers les plus actifs sur Airbnb (contre 7 % en général), la mairie prévoit de révoquer toutes les licences d’ici 2029. À New York, la Local Law 18 de 2023 impose l’enregistrement des propriétaires, la location uniquement dans la résidence principale et l’accueil en personne des voyageurs, faisant chuter le nombre d’annonces de 20 000 à 5 000. Des études montrent que ces réglementations peuvent entraîner une baisse de 2 % des loyers dans les villes concernées et réduire la pression locative, tout en professionnalisant le marché de la location de courte durée. Les détracteurs dénoncent une perte de revenus pour les propriétaires et une hausse des prix hôteliers, tandis que les défenseurs y voient un moyen de rééquilibrer le marché locatif et de protéger les communautés locales.
Date de publication
06/06/0001
Importance matérielle
pp.94-96